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TANNAY ET SES CAVES ANCIENNES
HISTORIQUE : TANNAY ET SES CAVES ANCIENNES
                                                                                         
L’inventaire de 1791 « propriétés bâties et dépendances » ne mentionne pas les caves, il faut attendre 1800, année où un répertoire communal beaucoup plus détaillé rapporte qu’à la fin du 17ème siècle, la commune comptait 372 constructions habitables dont 230 construites sur caves voûtées, logeant 279 « individus » vivant de la vigne et de ses produits, soit le cinquième de sa population.

Le vignoble estimé à 164 hectares occupait sept cantons, « les Vignes du dessoubz », « Jogy », « Tanneau », les Baveriaux dits aussi Vignérées », « Assenai dit aussi Menées », « les Costes » et les « Vignes du dessubz » ; l’ensemble des cantons comptait 45 climats (lieux-dits) officialisés par des actes de bornage datés de la fin du 16ème siècle.

La production annuelle du vignoble n’étant pas mentionnée, les chiffres rapportés par les baux ruraux indiquent pour la fourchette 1789-1795 un rendement moyen de 23 hectolitres à l’hectare, couleur du produit non défini.

Un rapide calcul chiffre une production annuelle d’environ 3800 hectolitres qu’il fallait loger, production qui allait augmenter avec l’emploi des engrais et les traitements contre les maladies, c’est ainsi qu’en 1885, nos vignerons avaient expédié par rail à Paris-Bercy, 2940 feuillettes, soit 6615 hectolitres de vin blanc et rouge pour un poids de 747 495 kg représentant 150 wagons de 5 tonnes de charge utile. Un local spécifique s’avérait donc nécessaire pour stocker et abriter la futaille, le matériel vinaire, les marcs attendant distillation, mais surtout offrir un lieu d’élevage où le moût était l’objet de soins séculaires et rituels. La cave désigne ce local particulier.

La cave, du latin « cavum », terme fréquemment usité dans les actes paroissiaux d’inhumation, désignait la crypte, lieu sacré d’un édifice religieux.  C’était aussi une pièce souterraine creusée et aménagée profondément sous l’habitat afin d’assurer l’atmosphère nécessaire à la conservation, température et hygrométrie devaient y être constantes et empiriquement faciles à maintenir, grâce aux soupiraux. Creusée dans le sous-sol calcaire, la cave présente de nombreux aspects avec comme caractère commun un profond voûté à la romane à arc plein cintre, la voûte étant le support idéal capable de porter le poids de l’habitat. La base rectangulaire avec entrée sur rue, sens largeur, favorisait le roulage de la futaille, la seconde largeur souvent non murée, ainsi que le sol mettaient à nu la roche du sous-sol, alors que les parois latérales et la voûte présentent des empilements réguliers de moellons équarris liés par un ciment de terre et d’argile. On y accède par un solide escalier de marches de pierre comptant quinze à vingt degrés, débouchant parfois dangereusement dans la rue, proche de l’entrée de l’habitat. Après descente de quelques marches, on franchissait une porte basse à linteau cintré, petite ouverture limitant l’entrée et la sortie de l’air. Une génuflexion à l’entrée et à la sortie s’avéraient obligatoires, un choc frontal en rappelait l’oubli. Le père Emile, vieux vigneron tannaysien, à qui on demandait le pourquoi d’une entrée si basse, expliquait que la génuflexion devait respecter le trésor, la richesse et la noblesse de notre « melon », réflexion spirituelle involontaire sans doute, rappelant que le fameux breuvage fut l’œuvre des Chanoines de Chapitre de la Collégiale de notre cité au 13ème siècle entre 1201 et 1327.

De nombreuses caves sont de construction beaucoup plus ancienne que l’habitat qui les surmonte et il n’est pas rare que des bâtisses remaniées ou reconstruites aux 18ème et 19ème siècles abritent des caves des 14ème, 15ème et 16ème siècles. L’habitat reflète souvent l’importance de la cave, aussi rencontre-t-on des caves à voûte unique plus ou moins spacieuses, des caves doubles que forment deux tunnels parallèles ou superposés, dont les voûtes reposent sur un mur porteur.

Parfois l’art architectural s’invite, des travées voûtées s’appuient sur un pilier central par deux ou quatre croisées d’ogives à nervures artistiquement chanfreinées reposant sur un chapiteau, rappelant une crypte remémorant le soin religieux que l’on portait à l’élevage du vin et au caractère sacré dans un lieu mystique où le vigneron avec fierté, invitait, recevait, faisait savourer et apprécier le fruit de son travail.

Un caveron, niche aménagée au niveau du sol, parfois muré, véritable coffre-fort, cachait quelques échantillons des meilleurs millésimes.

L’apparition de l’oïdium, du mildiou et du phylloxéra à la fin du 19ème siècle, généra l’arrachage d’une partie du vignoble. De 164 hectares vers 1896, ne restaient en production que 25 hectares en 1905. La futaille déserta de nombreuses caves qui ne servirent qu’à la conservation des fruits, des légumes et autres denrées. Certaines même devinrent pièces de débarras.

La cave Claude de la Porte, la plus ancienne connue date du 14ème siècle, elle a repris depuis quelques décennies sa vocation première après avoir servi de magasin, et de garage. Appartenant aux familles seigneuriales propriétaires du fief de Tannay au 13ème siècle, elle abritait le pressoir et le four banals qui furent comme les habitants de la cité affranchis le 1er mai 1352. Déclarée « bien national » à la Révolution, elle connut plusieurs propriétaires et est actuellement propriété communale.
Souhaitons que la relance du vignoble redonne un jour la destination première de nos caves.